Stop aux conversations qui dérapent : le pouvoir du dialogue en situation de crise | Axel Performance

Stop aux conversations qui dérapent : le pouvoir du dialogue en situation de crise

Le 17 mars 2020, nos vies ont changé. Peu d’entre nous se rendent encore sur leur lieu de travail, ou s’ils le font, c’est qu’ils font partie de ceux qui sont indispensables à la nation. La grande majorité des français vit désormais 24h sur 24 sous le même toit avec leurs proches, et le côté anxiogène de cette situation inédite est plus que tout propice à des moments de tensions.

Les divergences de point de vue sur la crise, la polémique sur les prises de position du gouvernement, l’évolution rapide de la maladie et l’inquiétude pour des proches ou face à l’avenir, nous poussent dans nos retranchements. Nous nous rendons compte que la situation impacte tous les aspects de notre vie mais ne savons PAS comment gérer les discussions qui en résultent. Chacun, à son échelle, peut se trouver dépassé par ses émotions, placé en situation de stress et en situation de désaccord. Comment expliquer à des enfants ce qu’il se passe, comment influencer des parents qui bravent les interdits et décident de sortir malgré un âge avancé, comment dire ce que l’on pense quand on est soignant…

Dans ce contexte de forte pression psychologique, ne laissons pas des conversations mal gérées prendre le pas sur nos relations, au détriment de notre bien-être et de notre équilibre. Bienveillance et respect sont les mots que tout le monde a à la bouche, mais comment les mettre en pratique, comment rendre concret l’intangible qui n’est que si peu présent même en temps de paix ???
Pour vous aider dans ce quotidien inédit qui est le nôtre, voici quelques clés, issues de la boite à outil Conversations Cruciales.

1. Repérer les moments où la conversation peut basculer

Les conversations cruciales surviennent sans crier gare : un mot de trop adressé à son conjoint, un enfant qui n’écoute pas, une divergence avec un collègue ou avec son chef sur une priorité pendant la période de télétravail, les nerfs sont à fleur de peau… Dépassés par nos émotions, nous réagissons au quart de tour et les relations avec notre cercle familial ou professionnel en font les frais.

Cette spirale contre-productive trouve sa source dans la partie reptilienne de notre cerveau. Calibrés pour lutter (contredire, exagérer, insister…) ou pour fuir (s’en sortir avec une pirouette, éviter un sujet, ou se replier sur soi), nous sommes incapables de raisonner et de communiquer.

Faute de repérer le moment dans lequel une conversation bascule, notre comportement trahit nos pensées : la posture de notre corps, le langage non-verbal que nous adoptons ou le ton que nous employons en disent long sur notre état d’esprit. Parce que votre attitude inexorablement finira par exprimer vos pensées à votre insu, prenez l’habitude d’observer les signes avant-coureurs et demandez-vous ce que vous voulez vraiment : pas juste pour vous à l’instant présent, demandez – vous ce que vous voulez de manière plus large, aussi pour votre interlocuteur et votre relation.

2. Chercher à comprendre et à ne pas juger

L’être humain est prompt à juger. Quand deux personnes se parlent, avant même que la première personne n’ait terminé sa phrase, la seconde personne s’est déjà fait une idée au sujet des propos prononcés. Cette belle capacité d’analyse qui est propre à l’homme, nous joue bien souvent des tours : au lieu d’écouter pour chercher à comprendre, nous tirons des conclusions hâtives et prêtons des intentions très souvent erronées à nos interlocuteurs.

Imaginons pour un instant la situation suivante : au cours d’un appel téléphonique, votre cousin vous dit qu’il a décidé de sortir se promener demain à la campagne avec ses enfants dont il a la garde cette semaine.

Votre sang ne fait qu’un tour : vous le traitez d’irresponsable et d’égoïste qui n’en fait qu’à sa tête. La conversation s’envenime, il vous dit de vous mêler de ce qui vous regarde… Aviez-vous vraiment cru que vous parviendriez à le faire changer d’avis en vous y prenant comme cela ? Pourquoi lui avoir prêté ainsi de mauvaises intentions ? Il peut exister une multitude de raisons pour expliquer son comportement.

Essayons de réfléchir ensemble à quelques-unes de ces raisons :

– Il n’a peut-être pas réellement conscience des risques qu’il peut faire courir à sa famille ainsi qu’à toute personne qu’il croiserait sur son chemin.
– Il aime braver les interdits, cela lui donne un sentiment de toute puissance et de liberté face aux contraintes imposées.
– Il ne sait pas comment s’occuper autrement de ses enfants.
– Son frère lui a dit avoir lui aussi emmener ses enfants à la campagne ce week-end.
– Ses enfants ont insisté et il ne veut pas les décevoir car il s’agit de leur semaine de vacances.
– La sanction d’une amende de 135 € n’a pas vraiment de prise sur lui.
– L’appartement est sous les toits et la chaleur est intolérable dès que la température monte.
– Une connaissance a pu lui obtenir des masques, ses enfants et lui peuvent être protégés.

Les quelques raisons que nous venons d’envisager nous montre qu’il n’y a pas seulement une raison pour expliquer le comportement d’une personne. C’est pourquoi avant de juger, cherchez à comprendre.

3. Gérer vos émotions

Pour gérer vos émotions et éviter de réagir de manière impulsive, prenez conscience des histoires que votre petite voix interne vous susurre à l’oreille. Comme nous venons de le voir dans notre exemple, suspendons nos jugements et cantonnons-nous aux seuls faits : votre cousin vous a annoncé vouloir sortir se promener demain à la campagne avec ses enfants dont il a la garde cette semaine. C’est tout. C’est vous qui avez de suite jugé sa conduite irresponsable. Peut-être a-t-il des raisons que vous pourriez comprendre ? Pourquoi se conduirait-il ainsi ? Il s’agit a priori d’une personne plutôt raisonnable et sensée, non ?

Avec un peu de recul, nous pouvons faire la part des choses, des pensées qui nous envahissent et nous rendre compte que nos émotions ne sont que le fruit d’une vilaine histoire que nous nous sommes racontée. L’esprit ainsi un peu apaisé, nous voilà désormais plus à même de dire ce que nous pensons.

4. Donner du feedback/confronter un comportement inadapté, avec bienveillance et respect

Prêt à rembobiner le cours de la conversation ou à faire mieux la prochaine fois ? Voilà comment :

Vous reprendrez les propos de votre cousin (partie 1), partagerez votre histoire et votre ressenti (partie 2) et l’encouragerez à répondre (partie 3).

Illustration :

(partie 1)
Si j’ai bien compris, tu as les enfants cette semaine et tu songes à sortir avec eux à la campagne le temps d’une promenade.
(partie 2) Je me demande ce qui peut motiver cette envie, et je ne te cache pas mon inquiétude.
(partie 3) Comment peux-tu m’aider à comprendre ?

5. Agir sur la base de bonnes intentions et les exprimer pour rassurer l’autre

Les gens se mettent rarement sur la défensive à cause de ce que vous dites, ils se mettent sur la défensive à cause des raisons qui, selon eux, vous poussent à le dire. Si vous retenez ce principe, vous saurez désormais que pour éviter qu’une conversation ne tourne au vinaigre, il suffit de rassurer nos interlocuteurs sur nos bonnes intentions.

Quand une conversation s’est envenimée, il n’est jamais trop tard pour rembobiner et montrer ses bonnes intentions. Ainsi après avoir traité votre cousin d’irresponsable et d’égoïste, que diriez-vous de vous excuser (de manière sincère) et de le rassurer ?
Vous pourriez par exemple lui dire :
Je suis désolé, mes propos ont dépassé ma pensée. Je ne voulais pas t’injurier, je n’aurais pas dû juger sans chercher à comprendre. Je voulais te faire part de mon inquiétude et je n’ai fait qu’empirer les choses.

6. Influencer en cherchant d’abord à aider, puis en montrant les conséquences invisibles

Maintenant que la conversation part sur de meilleures bases, vous pouvez tenter d’influencer votre cousin. Pour cela, il est avant tout important d’avoir compris les raisons qui motivent sa volonté de sortir à la campagne. Seulement après, vous pourrez utiliser un arsenal d’arguments pour tenter de lui faire entendre raison.

Imaginons qu’il vous ait expliqué avoir envie d’aller à la campagne car (1) ses enfants ont insisté et il ne veut pas les décevoir, (2) il ne sait pas comment les occuper dans l’appartement (3) où il fait par ailleurs très chaud, (4) il ne voit pas le problème dans la mesure où il a des masques.

Influencer, c’est AVANT TOUT chercher à aider puis ENSUITE à motiver en montrant les conséquences invisibles.

C’est pourquoi vous l’engagerez en premier dans une réflexion pour l’aider à trouver des occupations avec ses enfants dans l’appartement ou dans son quartier de résidence et vous l’aiderez à trouver les mots justes pour expliquer à ses enfants pourquoi il est préférable de remettre à une prochaine fois la promenade à la campagne. Ce n’est que dans un second temps que vous utiliserez les arguments qui sauront toucher sa fibre paternelle et citoyenne pour lui faire prendre conscience des risques encourus.

En respectant les principes que nous venons d’écrire, nous pouvons mieux gérer la situation actuelle qui est aujourd’hui plus que jamais propice à des moments de tension. La capacité ou l’incapacité d’une personne à faire face à des situations de stress et à forts enjeux n’a rien à voir avec l’âge ou le sexe, ni d’ailleurs avec la personnalité. Ce sont des compétences que tout le monde peut apprendre et adopter.

Il ne tient qu’à nous de réapprendre à vivre ensemble, dans le temps présent, parce que notre avenir en dépend, parce que nous devons continuer à avancer et vivre avec des éléments sur lesquels nous n’avons aujourd’hui pas le contrôle, parce que nous nous devons d’être unis et proches, pour construire le monde de demain.

Pour en découvrir d’avantage sur le sujet, nous vous invitons à découvrir notre dernier Livre-Blanc: Le pouvoir du dialogue en situation de crise

Découvrez notre nouveau Livre-Blanc !

Par Cathia Birac, Master Trainer VitalSmarts France

Experte en Conversations Cruciales, Cathia Birac intervient au quotidien sur ce sujet. Elle dirige depuis 2009 le cabinet VitalSmarts France. Au préalable, Cathia a exercé des fonctions de direction au sein de grands groupes pendant plus de 17 ans, notamment dans les Achats, le Marketing et les Ressources Humaines. Cathia est titulaire d’un eMBA de HEC Paris.

article suivant
20 avril 2020

Comment éviter de faire la bise ou serrer la main ?

Lire l'article suivant